Les volets mentaux

Publié le par Jazz

Le sujet de la sécurité individuelle devient aussi délicat à aborder en société que celui de l'euthanasie, des convictions religieuses, ou des opinions politiques, signe sans doute qu'il a considérablement fusionné avec ces dernières.
Ce week-end, lors d'un dîner entre amis d'une soixantaine d'année, une des femmes nous a déclaré que la manière dont chaque soir son mari vérifiait plutôt trois fois qu'une que chaque porte et volet était fermé et barré et que l'alarme était en route, l'angoissait au plus haut point. Quasiment tous les autres adultes présents ont protesté haut et fort que bien sûr, il fallait prendre toutes ces précautions, que c'était peut-être un peu contraignant, mais qu'il fallait s'y faire, point.
En écoutant ça, je me demandais ce que tous ces copains, au fond, redoutaient. Aucun d'eux n'avait jamais été traumatisé par une intrusion à son domicile, leur peur était donc toute théorique et fantasmée.
Était-ce la peur qu'on leur vole quelque chose de précieux? qu'on les violente? qu'on vandalise leur logement? qu'on fasse irruption dans leur vie intime ?
Un mélange de tout ça, bien sûr. Mais aucun ne s'était arrêté à se demander quoi exactement. Et de ce fait, aucun non plus ne s'était jamais demandé ce qu'en contrepartie lui coûtait cette peur et si ce coût en valait la peine. Combien de stress, combien d'attention volée à d'autres sujets, combien de temps, combien d'argent aussi... Et combien de méfiance, de suspicion, d'inquiétudes, de coups au coeur... Un peu comme si leur vie était en jeu, ils considéraient que tout se justifiait par le risque qu'un jour, peut-être quelqu'un essaierait de rentrer chez eux.
Je n'ai rien dit, pas participé au débat qui n'en était même pas un. Je ne voyais pas l'intérêt de leur expliquer qu'on pouvait comprendre que ce qui rassurait monsieur angoissait madame, ni que j'avais résilié mon contrat d'alarme, ni qu'il m'arrivait d'aller me coucher sans fermer la porte à clé, ni que la seule fois où nous nous étions fait cambrioler c'était en plein jour, alors que la maison était occupée, et qu'aucun volet ou alarme ne pouvait empêcher ça, ni surtout que nous avions décidé une fois pour toutes que si ça devait arriver à nouveau ça arriverait et qu'on n'allait pas se pourrir la vie dans l'attente perpétuelle que ça arrive.
Par contre j'ai réalisé un peu mieux à quel point le tout-sécuritaire est devenu un besoin viscéral chez pas mal de nos concitoyens sexagénaires. Le matraquage politique a bien complété un travail que l'âge et son corollaire conservateur avait entamé.

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