Euthanasiste, un métier d'avenir ?

Publié le par Jazz

Il y a eu pas mal de débats il y a quelques mois sur la fin de vie, les soins palliatifs, l'euthanasie, la loi Léonetti, et des avis qui demandent réflexion.

 

Sans surprise, les tenants de l'euthanasie estiment que «Vouloir maintenir les gens dans le couloir de la mort est d'une violence sans nom» et que le droit de mourir est totalement légitime. Il faut admettre, philosophiquement au moins, que le droit de se donner la mort est la liberté la plus fondamentale qu'on puisse imaginer et «Il faudrait quand même que ce droit de moi-même sur moi-même existe !».

 

Mais sur le sujet de cette liberté, le débat se complique, dans le cas des personnes souffrantes et en fin de vie, certains estimant que «dans un état de grande souffrance psychique, on ne peut pas prétendre qu'une personne est libre», et qu' «il est légitime de se demander si l'esprit ne connaît pas une aliénation: "Jusqu'où est-on maître de sa propre pensée?"». Dans le même ordre d'idée, une infirmière estime que «les malades veulent voir cesser leur situation plutôt que vouloir mourir véritablement». Cependant un sociologue proteste que ce point de vue n'est pas innocent et vise à priver l'individu de sa liberté de décision: «le malade ne serait plus en capacité de décider pour lui-même car il serait en situation de vulnérabilité? Le patient est disqualifié. Car, si on le considère comme vulnérable, on peut le déposséder de son libre arbitre au nom de la solidarité collective.».

 

On peut étendre cette question en considérant le cas réel d'un homme victime d'un AVC et ayant clairement dit et écrit à plusieurs reprises auparavant qu'il ne voulait vivre que debout. On lui a donc donné la mort et, dit sa famille, «Si la question est "Y a-t-il une identité parfaite entre ce moment [de la mort] et ce qu'il a dit toute sa vie?" Oui. Mais l'énigme restera sur son état de conscience à ce moment-là.».

 

D'ailleurs l'argument principal des opposants à l'euthanasie est que «les demandes d'euthanasie s'effaceraient si on traite la souffrance physique et psychique...» alors que les tenants pensent au contraire que «Ce n'est pas vrai, mais les malades n'osent même plus le dire. Ils sont culpabilisés d' avoir envie de hâter leur propre mort, et leurs proches aussi.»

Pas de conclusion nette, donc: d'un côté le droit de disposer de sa mort, de l'autre le doute que la décision prise dans un moment de souffrance serait restée la même un peu plus tard.

 

Les soins palliatifs permettent en théorie de tempérer le problème en réduisant d'une certaine façon l'urgence de la décision mais eux aussi sont nettement questionnés: on leur reproche que parfois «tout en étant entièrement tournés vers la mort du patient, ils ne lui laissent aucune place sur la manière d'aborder sa mort et de faire part de ses propres volontés. La mort doit venir naturellement, le médecin se "contentant" de soulager les douleurs, bien qu'il y ait des patients incurables qui ne souhaitent pas mourir de cette façon», ce qui pourrait s'expliquer par le fait que «Ce qui n'est pas supporté par les médecins, c'est d'utiliser la médecine comme une technique permettant au patient de ne pas affronter sa mort ou de ne pas aller au terme de sa maladie.».

 

Il faut en fait en revenir à l'analogie avec le suicide. De nos jours, plus personne ne condamne le suicide. On peut le regretter, on peut penser qu'à la place du suicidant on ne le ferait pas, on peut tenter de le dissuader en lui montrant les bons côtés de la vie mais dans son ensemble la société française accorde à chacun le droit de se donner lui-même la mort. Le problème qui se pose c'est que nous tous tenterons de sauver le suicidant qui passe à l'acte; c'est un devoir envers lui (à cause du doute même infime qu'il le voulait vraiment), et c'est bien plus encore un besoin pour notre propre conscience, la culpabilité dans le cas contraire étant probablement insupportable.

Or l'euthanasie est un suicide où le médecin interviendrait non comme un soignant mais comme un expert dans le domaine de la mort brève et sans souffrance, qui agit en situation d'assistance à une personne incapable matériellement de mettre en œuvre sa décision. Le paradoxe est qu'on attend de ce médecin qu'il ne se comporte pas comme le citoyen lambda. C'est particulièrement contradictoire de la part de professionnels que toute leur longue formation entraîne à soigner, à guérir ou à maintenir en bonne santé.

 

Peut-être faudrait-il réfléchir à développer, séparément des professionnels de santé, un corps d' «aidants ausuicide», formés à donner une mort douce ?

 

Article du Monde Santé (19 sept)

Article du Monde Santé (24 sept)

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<br /> Notre fils Hervé Pierra est resté plongé dans un coma végétatif chronique irréversible pendant 8 ans 1/2. Il est décédé après application de la loi Léonetti sans sédation en 6 jours<br /> cauchemardesques. En visitant le blog des parents d'Hervé Pierra, vous comprendrez pourquoi nous sommes pour une aide active à mourir dans certains cas. Plus d'info : http://www.over-blog.com/profil/blogueur-3568581.html <br />
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